Tout changement important qui perturbe nos habitudes se heurte aux résistances psychologiques humaines. De même les techniques numériques en matière de photographie se sont heurtées à la méfiance générale et à nombre d'idées fausses.
Le nombre d'idées négatives concernant le numérique s'amenuise au fil du temps. Mais une de celles-ci semble perdurer: l'image argentique possèderait une qualité de couleur et une profondeur que n'a pas l'image numérique. Or si l'on y réfléchit bien, cette idée n'est pas subjective. Il est facile de comprendre que dans la mesure où l'on a changé de technique, le rendu des images ne peut être que différent. Ceci étant et tout de même, la possibilité de maîtrise des contrastes et des couleurs (appelée « chromie ») par l'informatique, devrait normalement permettre n'importe quel rendu. Cette idée apparemment répandue ne peut donc être mon sens que faire suite à un manque de maîtrise de la technique numérique.
Cela étant dit, qu'est-ce qui sépare véritablement le monde de la photo argentique de celui de la photo numérique ?
La photo argentique.
Elle consistait en l'utilisation de films argentiques pour la production d'images à partir d'une exposition photographique.
Nous obtenions des négatifs ou des « ektas ». De là nous pouvions réaliser des tirages photographiques ou des reproductions imprimées. La maîtrise des images argentiques à la prise de vue était difficile et constituait un art au sens premier du terme. La capacité de maîtrise des contrastes et des couleurs exigeait une longue expérience. Enfin la quasi-totalité de l'image photographique « se jouait » à la prise de vue.
Il était également possible de réaliser un certain nombre de corrections à l'aide de la retouche des négatifs ou des tirages photo. Mais là aussi, cette pratique exigeait de l'expérience et de la dextérité.
Au cours des vingt dernières années, et lorsqu'il s'agissait d'utiliser des images photographiques pour des documents imprimés, la photogravure utilisait des techniques informatiques et numériques. Il était donc possible de maîtriser la «chromie » ainsi que de se livrer à un certain nombre de retouches. Mais ces techniques et possibilités étaient limitées à la photogravure, c'est à dire en fait réservées à l'imprimerie.
La photo numérique.
Nous retrouvons en photo numérique la même problématique que pour la photo argentique au niveau de la prise de vue. Mais la différence essentielle est la possibilité d'une maîtrise de l'image après la prise de vue. Alors qu'elle se réduisait à la retouche manuelle en photo argentique, la retouche numérique qui était réservée aux imprimeurs, est aujourd'hui accessible à tout photographe, et peut être considérée comme faisant partie de la technique photographique même. Du même coup l'importance de la prise de vue qui constituait l'essentiel de la photographie devient moindre. Car les images peuvent être totalement transformées. L'art de la photographie n'est plus seulement l'art de la prise de vue mais intègre également ce que l'on devrait appeler l' « infophotographie ».

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